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Autrice de chansons et de théâtre 

Le Renouveau

Dernière mise à jour : 5 déc. 2022

Personnages : Vous, moi et le gars au sommet du volcan.

Lieu: Dans un monde imaginaire, au pied du volcan Pacaya.


- De quoi ça parle ?

- De renouveau. T’as pas lu le titre ?

- Oui, mais c’est large « le renouveau ». Renouveau de quoi ?

- D’une vie.

- Ok. Pis, c’est une comédie, un drame, un suspense ?

- Un fait vécu.

- C’est l’histoire de qui ?

- Un gars.

- Juste lui ?

- Non.

- Ben qui ?

- Sa famille. Des intervenants. Un immense sac à dos. Un volcan. Il y a un volcan aussi.

- Ok, pis… c’est inspirant ? C’est émouvant ? C’est surprenant ?

- Tout ça. Ça dépend des moments où tu mets le focus. Des bouts, c’est tellement noir que ça fait mal jusque dans les os ; des bouts, c’est tellement beau que la lumière blast par les pores de peau.

- Pis ça finit comment ?

- La fin est pas écrite encore, le gars qui vit l’histoire travaille dessus.

- Ok, mais toi, tu pars d’où ?

- Je sais pas.

- Ben t’es où dans cette histoire-là ?

- Je suis… Je sais pas.

- Ben trouve.

- Je suis pas loin. Mettons que je suis pas loin.

- Donc, tu le vois ?

- Oui.

- Il fait quoi le gars ?

- Il dépose un sac immense à ses pieds et puis il signe son nom sur une feuille de sécurité.

- Une feuille de sécurité ?

- On est au pied du volcan Pacaya. L’histoire commence là. Le gars signe son nom et écrit ses coordonnés. S’il est pas revenu avant la noirceur, ils vont appeler les secours.

- Bon, ben ça va être une histoire d’aventure d’abord, si le gars escalade un volcan.

- Pantoute. Bon. Il prend son sac. Il est fort le gars. Son sac a l’air de peser deux tonnes. Pas grave. Il le met quand même sur son dos…

- Il y a quoi dans son sac ?

- Je le sais-tu moi.

- Mais à quoi tu sers si tu peux même pas me dire ce qu’il y a dans son sac ?

- Bon. Ok. Dans son sac il y a... il y a tous les bouts de l’histoire sur laquelle il travaille depuis 23 ans. C’est ça. Il les a tous ramassés un par un avant de partir. Les moments de rire, de douceur, de plume et aussi les moments de laine d’acier, de noirceur, de cauchemars, de free for all-cocaïne-héroïne-barbituriques-médicaments-rechutes-recommencement. Il a entassé tout ça dans son gros sac, sans faire de tri. Dans la pochette du côté droit, il a mis deux choses. La voix du juge qui l’a condamné à 36 mois de détention et le souvenir de sa grand-mère à qui il a pas pu dire au revoir parce que le directeur avait conclu que non, il irait pas assister à la cérémonie puisqu’il était pas vraiment un homme, mais surtout un criminel-délinquant-dangereux-petit-crosseur-à-contrôler. Dans la pochette du coté gauche, il a mis ce qui restait. L’émeute qu’il a causée, les jours en isolement, les hallucinations, sa mâchoire engourdie d’être trop en tabarnak, le moment où mourir est devenu son projet de vie. Puis, le gros livre divin que le curé lui a passé et qui lui a permis de s’évader, de tenir bon jusqu’à la libération.

La seule chose qu’il a hésité à apporter avec lui, c’est le moment où sa mère lui a dit... Parce que ce moment-là, il est lourd. Tellement lourd qu’il s’est dit qu’il serait peut-être pas capable de le trainer avec lui jusqu’au sommet du volcan. Pendant un instant, il a considéré l’option de l’oublier sur la table même s’il savait que c’était impensable de partir sans cette partie-là de l’histoire. Il a pris une grande respiration. Il s’est dit c’correct et il a saisi la fois où sa mère lui a dit d’arrêter de brasser de la marde en utilisant dans la même phrase les mots victime-cousin-abus-cauchemar-violence. Il a déposé tout ça dans la dernière pochette, à l’avant. Il a mis le sac sur son dos et il s’est regardé dans le miroir, comme pour vérifier que tout tenait encore en place. Qu’il avait tenu le coup. Il a palpé chaque parcelle de son corps, posé la main à l’endroit du cœur. Ça battait toujours. Vivant. Démembré de la famille mais vivant. Il a mis son passeport dans la poche intérieure de son manteau et il a vérifié deux fois qu’il avait bien barré la porte de l’appartement. Aux douanes, la fille des embarquements l’a vu arriver avec son sac, elle l’a regardé croche pis elle a dit : « Y va falloir payer pour le bagage excédentaire, Monsieur. C’est vraiment trop lourd.»

- Il a payé ?

- Ben non. Il a souri et il a répondu : « Ça l’existe pas, Madame, un bagage excédentaire. » Puis, il est monté dans l’avion pour venir jusqu’ici.

- Ici au pied du volcan, c’est ça ?

- Oui.

- Ok. Pis là…

- Là… Là il a son immense sac sur le dos. Il boit une gorgée de Gatorade. Il vérifie que la boucle de ses souliers est solide.

- Il brette. C’est haut ce volcan-là ?

- Assez pour qu’il veuille abandonner cent fois, qu’il sacre en charretier et qu’il ait mal partout.

- Pourquoi il fait ça ?

- Il le sait pas encore.

- Pis toi ?

- Oui.

- Mais tu vas pas me le dire ?

- Non.

- Pourquoi ?

- Parce que c’est pas mon histoire. C’est à lui de te raconter la fin.

- Mais comment tu veux qu’il me raconte? Je suis pas dans l’histoire, moi.

- Ben oui. Ben oui t’es dans l’histoire. Écoute …


La voix du gars au sommet du volcan fait vibrer nos tympans. C’est doux. Ses mots se déposent en nous, et c’est comme si la paix pouvait durer.


LE GARS AU SOMMET DU VOLCAN

« Tête au ras le pic

avant les nuages.

De là, je vois

les maisons

les pâturages.

Le monde ont l’air

petits pions

comme dans le fond

du centre Bell.

Rire.

C’est à peu près ça.

Un vide que je peux

m’asseoir sur le gazon.

Seule affaire que je vois

Des chevals brouter.

Pas de char.

Tu m’entends ?

Rien.

Fuck all.

Ça fait un vide.

J’ai pus.

Enfin.

Le goût de consommer. »

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